La récente déclaration de la Commission de la CEDEAO, suite aux manifestations sanglantes survenues au Togo, illustre une fois de plus un schéma de réponses institutionnelles bien rodé: condamnations de principe, appels au dialogue et promesses de soutien pour la paix sociale.

Mais derrière les mots soigneusement pesés, se cache une réalité brutale que des millions d’Africains vivent chaque jour, celle d’un organe régional souvent muet, parfois complaisant, face aux abus de pouvoir et à la répression étatique.
Une rhétorique lassante, face à des crimes persistants
Quand des citoyens désarmés descendent dans les rues, risquant leur liberté, voire leur vie, pour réclamer la justice, de meilleures conditions de vie ou simplement le respect de la constitution, c’est l’essence même de la démocratie qui s’exprime. Mais où est la CEDEAO lorsque ces aspirations sont noyées dans la violence et la peur? Que valent les appels à la retenue lorsque les forces de sécurité tirent à balles réelles sur les manifestants?
Dialogue ou dilution des responsabilités?
Appeler constamment au « dialogue » peut sonner noble. Mais sans dénonciation claire des bourreaux, sans pressions tangibles sur les régimes répressifs, ce mot devient un paravent commode pour l’inaction. Pendant que les dirigeants répriment dans le sang, la CEDEAO joue souvent les médiateurs neutres – trop neutres. À force de vouloir ménager tout le monde, elle finit par ne protéger personne.
Voici quelques exemples concrets d’échecs de la CEDEAO dans la gestion des crises au sein de ses États membres, qui illustrent ses limites structurelles, politiques et opérationnelles:
- Multiplication des coups d’État non maîtrisés
👉🏽Mali (2020 et 2021): Deux coups d’État successifs ont eu lieu. Malgré les sanctions, la junte militaire est restée au pouvoir, prolongeant la transition au-delà des délais acceptés.
👉🏽Guinée (2021): La CEDEAO a suspendu le pays et gelé les avoirs des putschistes, mais ceux-ci ont maintenu leur pouvoir sans réelle pression efficace.
👉🏽Burkina Faso (2022): Malgré une condamnation rapide, la CEDEAO n’a pas empêché la prise de pouvoir par les militaires. Les transitions s’éternisent, sans résultats concrets.
- Inertie face aux manipulations constitutionnelles
👉🏽Dans plusieurs pays comme le Togo, la Côte d’Ivoire ou la Guinée, des présidents ont modifié la Constitution pour se maintenir au pouvoir. La CEDEAO n’a pas réagi de manière ferme, malgré le rejet massif de ces pratiques par les populations.
👉🏽Cette passivité a nourri un sentiment d’impunité chez certains dirigeants et de frustration chez les citoyens.
- Mauvaise application de ses propres mécanismes
👉🏽Le système d’ alerte précoce de la CEDEAO est l’un des plus avancés d’Afrique, mais il est rarement suivi d’actions concrètes. Les signaux de crise sont souvent ignorés ou minimisés.
👉🏽Exemple: les tensions au Niger et au Mali avaient été détectées bien avant les coups d’État, mais aucune mesure préventive n’a été prise.
- Échec dans la crise ivoirienne (2002–2003)
👉🏽Malgré une tentative d’intervention, la CEDEAO a dû céder la gestion de la crise à la communauté internationale, notamment à la France et à l’ONU, qui ont organisé les accords de Linas-Marcoussis.
👉🏽Cela a révélé un manque de moyens diplomatiques et militaires pour gérer des conflits complexes.
- Crise de légitimité et naissance de l’AES
👉🏽L’inaction ou la mollesse de la CEDEAO a contribué à la création de l’ Alliance des États du Sahel (AES) par le Mali, le Burkina Faso et le Niger.
👉🏽Ces pays ont dénoncé une CEDEAO perçue comme instrumentalisée par des puissances étrangères et déconnectée des aspirations populaires.
Une crédibilité en crise, une alternative qui se dessine
Ce manque de fermeté et de responsabilité a contribué à la naissance d’alternatives comme l’Alliance des États du Sahel (AES), formée par des pays en rupture avec la CEDEAO, fatigués de promesses sans suite et d’un système qui semble défendre des élites plus que des peuples. La création de l’AES est un signal fort: les peuples et leurs dirigeants en quête de souveraineté réelle ne veulent plus d’une CEDEAO perçue comme complice de l’immobilisme ou, pire, des dérives autoritaires.
Tesko Aristo Zowadan
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