Libérer les esprits pour construire l’avenir: Plus de six décennies après l’indépendance politique du Togo, les chaînes invisibles de la colonisation continuent de freiner le développement mental et culturel de la jeunesse. Bien que le pays soit libre sur le plan institutionnel, de nombreuses traces de l’idéologie coloniale subsistent dans les comportements, les aspirations et les systèmes de pensée. Ce phénomène, connu sous le nom de colonisation mentale, se manifeste notamment par la valorisation excessive de tout ce qui vient de l’extérieur au détriment des richesses culturelles et intellectuelles locales.

Cet article explore l’urgence de cette décolonisation mentale, en s’appuyant sur le cas de la jeunesse togolaise, et propose des pistes pour un véritable renouveau.
- Comprendre la colonisation mentale : un héritage insidieux
La colonisation mentale ne se voit pas, mais ses effets se ressentent profondément. Elle se traduit par une intériorisation des idéaux, des normes et des valeurs imposées par le colonisateur, souvent au détriment des traditions et des savoirs locaux. Chez les jeunes, cette domination s’exprime à travers leur perception de la culture, de la langue et des opportunités de développement.
Langue et identité : un dilemme persistant
L’exemple le plus frappant de la colonisation mentale au Togo est l’hégémonie des langues coloniales, en particulier le français. Si cette langue reste un outil incontournable pour l’éducation et les affaires, elle a éclipsé les langues locales comme l’éwé, le kabyè ou le tem, qui sont souvent perçues comme inférieures ou non modernes. Cette marginalisation des langues locales contribue à l’effacement progressif d’une partie essentielle de l’identité culturelle.
Le complexe de supériorité des cultures étrangères
La jeunesse togolaise est également influencée par une admiration excessive pour les modes de vie étrangers, en particulier ceux des anciennes puissances coloniales. Les produits importés, les valeurs occidentales et les idéaux de réussite véhiculés par les médias sont souvent privilégiés au détriment des réalités locales. Ce complexe d’infériorité culturelle alimente une dépendance mentale qui freine la créativité et l’innovation.
- Les conséquences de la colonisation mentale sur la jeunesse
La persistance de la colonisation mentale a des répercussions profondes sur la jeunesse togolaise, limitant son potentiel à contribuer pleinement au développement du pays.
La fuite des cerveaux
L’un des effets les plus visibles est le désir d’émigration chez une grande partie des jeunes. Convaincus que le succès ne peut être atteint qu’en dehors de leurs frontières, beaucoup rêvent d’Europe ou d’Amérique comme d’un eldorado. Ce phénomène, souvent appelé « fuite des cerveaux », prive le pays de talents précieux qui pourraient jouer un rôle clé dans son développement.
Le rejet des savoirs traditionnels
Les jeunes togolais tendent également à sous-estimer les savoirs et pratiques traditionnels, les considérant comme archaïques. Ce rejet limite l’exploration de solutions locales aux défis contemporains, comme l’agriculture durable, les médecines traditionnelles ou la gestion des ressources naturelles.
Un développement freiné
En idolâtrant des modèles étrangers souvent inadaptés aux réalités locales, la jeunesse togolaise peine à imaginer des solutions endogènes. Le résultat est un modèle de développement qui ne répond pas aux besoins spécifiques du pays, mais tente plutôt d’imiter des paradigmes venus d’ailleurs.
- Décoloniser les esprits : un impératif pour un renouveau
Pour que la jeunesse togolaise puisse pleinement s’épanouir et contribuer au développement du pays, une décolonisation mentale est indispensable. Cela nécessite un effort collectif impliquant les familles, les éducateurs, les médias et les décideurs politiques.
Revaloriser les cultures locales
La première étape pour décoloniser les esprits est de restaurer la fierté dans les cultures et traditions togolaises. Cela passe par :
L’enseignement des langues locales dès le plus jeune âge, non comme une option secondaire, mais comme un pilier de l’identité.
La promotion des arts, de la musique et des récits traditionnels dans les médias et les programmes éducatifs.
La mise en valeur des figures historiques togolaises qui ont contribué à l’émancipation du pays.
Réformer le système éducatif
Le système éducatif joue un rôle central dans la transmission des valeurs et des savoirs. Pour décoloniser la jeunesse, il est essentiel de revoir les programmes scolaires pour y intégrer des contenus axés sur les réalités africaines, les savoirs locaux et les problématiques contemporaines. Les jeunes doivent être encouragés à penser de manière critique et à développer des solutions adaptées à leur contexte.
Encourager l’entrepreneuriat local
La décolonisation mentale passe aussi par l’autonomie économique. Les jeunes doivent être incités à valoriser les ressources locales et à innover à partir de ce qui est disponible dans leur environnement. Soutenir l’entrepreneuriat local permet non seulement de réduire la dépendance aux produits étrangers, mais aussi de renforcer la fierté nationale.
Changer le narratif dans les médias
Les médias, souvent dominés par des contenus importés, doivent jouer un rôle actif dans la décolonisation mentale. Cela implique de diffuser des programmes qui valorisent les réussites locales, les traditions et les innovations togolaises. Il est également crucial de déconstruire les stéréotypes qui associent le progrès uniquement à l’Occident.
- Le rôle de la jeunesse dans sa propre émancipation
Si les institutions et les aînés doivent poser les bases de la décolonisation mentale, la jeunesse elle-même a un rôle central à jouer. Elle doit prendre conscience de ses propres forces et de son potentiel à transformer la société.
Prendre en main sa narration
Les jeunes doivent s’approprier leur histoire et raconter leur propre réalité, sans attendre une validation extérieure. Cela passe par la création de contenus culturels, artistiques et intellectuels qui reflètent leur identité et leurs aspirations.
Construire des réseaux de solidarité
La jeunesse togolaise peut également s’inspirer des mouvements panafricanistes pour créer des réseaux de solidarité, tant au niveau local qu’international. Ces réseaux favorisent le partage d’idées et d’initiatives qui renforcent l’identité africaine.
Vers une jeunesse émancipée et visionnaire
La décolonisation mentale est un défi urgent pour la jeunesse togolaise. Elle ne signifie pas un rejet des influences extérieures, mais une réappropriation de l’identité culturelle et intellectuelle dans une perspective moderne. En valorisant leurs racines, en s’affirmant comme des acteurs du changement et en s’émancipant des complexes hérités de la colonisation, les jeunes togolais peuvent construire un avenir où tradition et modernité coexistent harmonieusement.
Le Togo de demain dépendra de la capacité de sa jeunesse à se libérer des chaînes invisibles de la colonisation mentale pour devenir des créateurs d’un modèle de développement véritablement endogène, inclusif et durable.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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