L’alerte silencieuse d’un fardeau qui s’alourdit: Dans un contexte marqué par une forte pression économique, sociale et politique, la question de la dette publique revient au cœur des débats au Togo. Si elle est parfois présentée comme un levier de développement, elle devient un danger lorsqu’elle atteint des niveaux insoutenables, affectant la souveraineté budgétaire, les politiques sociales et l’avenir des générations futures.
Au Togo, la dette publique s’est établie à 4217,73 milliards FCFA à fin décembre 2024, soit 69,16 % du PIB, se rapprochant du seuil communautaire de 70 % fixé par l’UEMOA. C’est ce que révèlent les dernières données publiées par le ministère des Finances, dans son Rapport annuel de la dette publique.
Le Togo, à l’instar de plusieurs pays africains, fait face à une dette publique qui suscite interrogations, inquiétudes et controverses. Quelles sont les causes structurelles de cette dette ? Comment y remédier de façon durable ? Quelles leçons tirer pour éviter les écueils du surendettement ? Cet article explore en profondeur les origines, les impacts et les pistes de solutions pour maîtriser ce phénomène au Togo.
Un aperçu de la dette publique togolaise : entre ambition et dépendance
Un endettement en hausse constante
Selon les données récentes du ministère de l’Économie et des Finances, la dette publique du Togo représentait plus de 60 % du PIB en 2023, un seuil qui frôle la ligne rouge définie par les critères de convergence de l’UEMOA.
Si le pays a connu une croissance économique moyenne de 5 % par an, cette dynamique est largement soutenue par des emprunts, souvent contractés à des taux élevés.
Les composantes de la dette
La dette togolaise se compose de :
Dette extérieure : principalement auprès de bailleurs multilatéraux (FMI, Banque mondiale) et bilatéraux (Chine, France, etc.)
Dette intérieure : bons et obligations du Trésor, emprunts auprès des banques locales.
Les causes profondes du surendettement au Togo
Une structure économique vulnérable
Le Togo reste dépendant des matières premières (phosphate, coton) et de secteurs peu diversifiés. En période de baisse des prix à l’international ou de crise climatique, les recettes chutent brutalement, forçant l’État à emprunter pour combler les déficits.
Des politiques budgétaires orientées vers l’endettement
La volonté de moderniser les infrastructures (routes, énergie, TIC) a poussé les gouvernements successifs à multiplier les projets financés par des emprunts, parfois sans étude d’impact rigoureuse. Résultat : des infrastructures sous-utilisées ou non rentabilisées à temps.
La faiblesse de la mobilisation des ressources internes
Avec une fiscalité peu efficiente, une économie informelle dominante (environ 80 %), et un civisme fiscal à renforcer, les recettes fiscales restent faibles. Le ratio pression fiscale/PIB est encore en deçà de la moyenne régionale. L’État compense donc par l’endettement.
La mauvaise gouvernance et la corruption
Des rapports nationaux et internationaux soulignent que la gestion peu rigoureuse des fonds publics alimente l’inefficacité des dépenses. L’opacité dans l’attribution des marchés publics, les dépassements budgétaires non justifiés, et les doublons administratifs aggravent la situation.
Les conséquences sociales et économiques de la dette
Compression des dépenses sociales
Pour faire face au service de la dette (intérêts + capital), l’État réduit souvent les dépenses sociales, touchant les secteurs cruciaux comme la santé, l’éducation et la sécurité sociale. Cela accentue la pauvreté et creuse les inégalités.
Perte d’autonomie budgétaire
Un pays trop endetté devient dépendant des bailleurs de fonds et voit sa capacité de planification réduite. Les priorités nationales sont alors parfois dictées par les conditionnalités extérieures.
Risques sur la stabilité macroéconomique
Une dette mal maîtrisée entraîne la perte de confiance des investisseurs, une hausse des taux d’intérêt, et à terme une crise économique. Certains pays africains en ont fait les frais, comme la Zambie ou le Ghana récemment.
Quelles approches pour sortir du piège ? Le cas du Togo
Améliorer la gouvernance financière
Il est crucial de renforcer les institutions de contrôle, comme la Cour des comptes, et de garantir la transparence dans la gestion des finances publiques. Le budget citoyen, les audits indépendants, et la participation citoyenne sont des outils à institutionnaliser.
Restructurer la dette intelligemment
Des négociations peuvent être menées pour rééchelonner ou convertir une partie de la dette en investissements ou en programmes sociaux, à travers des accords innovants de type “dette contre développement”.
Mobiliser davantage de ressources internes
L’élargissement de l’assiette fiscale, la digitalisation des régies financières, la lutte contre la fraude et l’optimisation des régimes fiscaux incitatifs sont des mesures indispensables pour accroître les recettes sans asphyxier l’économie.
Mieux planifier les investissements publics
Il est impératif d’instaurer une rigueur d’évaluation ex ante de tous les projets à financer par emprunt. Un projet non rentable ou socialement inutile ne devrait plus jamais être financé par la dette.
Promouvoir la croissance inclusive
Le Togo doit s’engager dans une transformation structurelle de son économie, en développant l’agro-industrie, le numérique, l’économie verte, et les PME. Une croissance soutenue, inclusive et créatrice d’emplois est le meilleur antidote contre le surendettement.
Vers une gestion sobre et responsable de la dette
Le Togo est à un tournant.
La dette n’est pas en soi un mal, mais une dette mal gérée peut hypothéquer l’avenir. Il ne s’agit pas de refuser l’emprunt, mais de le maîtriser, l’orienter avec discernement, et le justifier par des résultats visibles.
L’urgence est de repenser le modèle économique et budgétaire, de redonner au citoyen sa place dans les choix publics, et de renforcer la confiance à travers la transparence.
Le défi est grand, mais pas insurmontable. Avec une vision claire, une gouvernance éthique et une mobilisation collective, le Togo peut inverser la tendance et faire de la dette un levier plutôt qu’un fardeau.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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