Le journalisme est souvent présenté comme un métier de passion, de vérité, d’engagement. Mais derrière les micros tendus, les caméras braquées et les carnets de notes remplis, il y a des corps exposés, des visages traqués, des vies fragilisées.
Sur le terrain, le journaliste devient une cible, et son travail d’informer, un acte de bravoure.
Alors que la liberté de la presse est régulièrement célébrée dans les discours, la réalité physique du métier reste marquée par les risques, les blessures, les intimidations et parfois… la mort.
Terrain miné : quand informer devient un sport de combat
Qu’ils soient en zone de guerre, dans les rues lors d’une manifestation, face à des forces de l’ordre nerveuses ou dans des quartiers contrôlés par des milices ou des groupes armés, les journalistes jouent chaque jour leur sécurité pour remplir leur mission. Et cela se traduit par des situations concrètes :
Blessures par balles, lacrymogènes ou matraques lors de manifestations
Arrestations arbitraires et passages à tabac dans les commissariats
Disparitions forcées ou assassinats dans les zones de conflits
Attaques ciblées lors d’enquêtes sensibles (corruption, droits humains, environnement, etc.)
Intimidations physiques et psychologiques : filatures, menaces de mort, violences verbales
En Afrique comme ailleurs, être journaliste, c’est s’exposer. C’est prendre un risque réel, corporel.
Des chiffres qui font froid dans le dos
Selon les derniers rapports de Reporters Sans Frontières (RSF) et du Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ), l’Afrique n’est pas épargnée :
En 2024, plus de 60 journalistes ont été agressés physiquement sur le continent, dont plusieurs grièvement blessés.
Au moins 13 journalistes africains ont perdu la vie ces trois dernières années, dans l’exercice de leurs fonctions.
Des dizaines sont encore portés disparus ou incarcérés dans des conditions inhumaines.
Et ces chiffres ne prennent en compte que les cas remontés, recensés, médiatisés. Combien de reporters de radios rurales, de correspondants locaux, de journalistes indépendants sont agressés dans le silence absolu ? Innombrables.
Portrait de terrain : un quotidien sous tension
Prenons l’exemple d’un journaliste couvrant des élections sensibles dans un pays africain sous tension. Il est confronté à :
Des fouilles musclées à chaque barrage
Des agents de sécurité qui refusent d’être filmés
Des partisans surexcités qui l’accusent de partialité
Des zones entières interdites d’accès
La peur permanente d’un téléphone confisqué, d’un appareil détruit, ou d’un lynchage populaire
Et pourtant, il continue. Parce que l’information doit passer.
Le journaliste africain, soldat sans armure ?
Contrairement aux grands reporters des chaînes internationales, beaucoup de journalistes africains ne sont pas formés ni équipés pour se protéger. Gilets pare-balles, casques, kits de premiers secours, équipements anti-émeutes… sont des luxes inaccessibles pour la majorité.
De même, la formation à la sécurité physique est quasi inexistante dans la plupart des rédactions locales.
Peu connaissent les protocoles de retrait en zone de conflit, les gestes de premiers secours, ou même les bases du comportement à adopter face à des forces de sécurité.
Le journaliste africain, souvent précaire, est le maillon faible d’un système qui le laisse seul face au danger.
Quand les autorités deviennent des menaces
Le paradoxe est glaçant : ceux censés protéger les journalistes sont parfois ceux qui les brutalisent.
Lors de manifestations, les forces de l’ordre confondent trop souvent journaliste et manifestant, et frappent sans distinction.
Lors de révélations sensibles, certains journalistes sont « visités » par des hommes en civil, ou convoqués sans base légale.
Dans des contextes dictatoriaux ou semi-autoritaires, l’appareil de sécurité est utilisé pour museler la presse.
Et même dans les démocraties plus stables, la tolérance à la critique reste fragile, et les journalistes peuvent être vus comme des « ennemis de la paix », alors qu’ils ne font que leur métier.
Ce que l’on peut (et doit) faire pour protéger les journalistes
🔹 Former systématiquement à la sécurité de terrain
Chaque journaliste, qu’il soit pigiste, radio, TV ou presse écrite, devrait recevoir une formation de base en sécurité physique : évacuation, gestion de foule, techniques de désescalade, repérage de dangers.
🔹 Créer des fonds d’équipement pour les reporters
Les associations de presse, les ONG internationales et les États doivent financer des kits de protection accessibles à tous les journalistes de terrain.
🔹 Mettre en place des alertes rapides
Un réseau d’alerte et de protection entre rédactions, syndicats, ONG et autorités peut permettre de réagir vite en cas de disparition, d’agression ou d’emprisonnement.
🔹 Responsabiliser les forces de l’ordre
La formation des policiers et gendarmes à la présence de journalistes est essentielle. Ils doivent apprendre à identifier, respecter, et protéger ceux qui couvrent l’actualité, même dans le chaos.
🔹 Valoriser les témoignages
Trop souvent, les agressions sont tues par peur ou honte. Écouter, documenter, diffuser les récits des journalistes agressés, c’est leur rendre justice et briser le silence.
Un métier à défendre, une mission à protéger
Un journaliste blessé, c’est une société privée d’information.
Un journaliste menacé, c’est une vérité qu’on tente d’étouffer.
Un journaliste tué, c’est un peuple qu’on aveugle.
L’Afrique a besoin d’une presse forte, libre, audacieuse. Mais cette liberté n’a de sens que si elle s’accompagne de sécurité.
Il est temps que la protection physique des journalistes devienne une priorité nationale, continentale, universelle.
Parce que sans journalistes en sécurité, il n’y a pas de démocratie.
Parce que sans terrain, il n’y a pas de vérité.
Parce qu’il faut que le courage ne coûte pas la vie.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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