La scène politique en Afrique de l’Ouest a été secouée par un événement retentissant : la décision de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) de mettre à la porte les employés de l’Alliance des États du Sahel (AES). Une décision qui soulève de nombreuses interrogations sur les conséquences pour les pays membres de l’AES, à savoir le Mali, le Burkina Faso et le Niger, et sur les défis que ces nations devront relever dans les mois à venir.
Une mesure drastique de la CEDEAO
Le 13 février 2025, la CEDEAO a pris la décision d’exclure les employés de l’AES de ses institutions, une décision lourde de conséquences pour les relations interrégionales. Cette expulsion fait suite à la rupture entre la CEDEAO et les trois pays membres de l’AES, qui ont quitté l’organisation régionale à la suite de leurs prises de pouvoir par des juntes militaires. En réponse à la décision de l’AES de quitter la CEDEAO, cette dernière a décidé de sanctionner l’alliance en mettant fin à la collaboration avec les fonctionnaires des pays membres de l’AES, les empêchant d’accéder à des postes au sein de ses institutions.
La CEDEAO, qui a toujours exercé une forte influence sur la région ouest-africaine, souhaite ainsi punir ce qu’elle perçoit comme une rupture avec les principes démocratiques et la stabilité qu’elle défend. Cette décision survient après une série de tensions liées aux coups d’État successifs au Mali, au Burkina Faso, et au Niger, ainsi qu’aux positions prises par ces pays face à l’organisation, notamment leur soutien au coup d’État au Niger et leur solidarité dans la formation de l’AES.
L’AES : Une alliance née d’une menace commune
L’Alliance des États du Sahel, née en septembre 2023 après le coup d’État au Niger, est un pacte de défense mutuelle entre le Mali, le Burkina Faso, et le Niger. L’objectif de cette alliance est de protéger ces pays des menaces extérieures, notamment en réponse aux actions de la CEDEAO et d’autres acteurs internationaux. Elle a été créée dans un contexte de mécontentement vis-à-vis de la CEDEAO et de ses politiques jugées inadaptées face aux défis internes que traversent ces nations.
Depuis leur adhésion à l’AES, les trois pays membres ont exprimé leur désir d’échapper à l’influence de la CEDEAO et de renforcer leur souveraineté, notamment à travers la mise en place d’une monnaie commune, un système de défense intégré, et une politique économique plus indépendante. Mais ce rejet de la CEDEAO n’a pas été bien accueilli, tant par l’organisation elle-même que par une large partie de la communauté internationale, qui accuse ces pays de compromettre les progrès démocratiques de la région.
Les défis immédiats pour les pays de l’AES
La mise à l’écart des employés de l’AES par la CEDEAO représente un coup dur pour ces pays, qui, en plus de leurs défis sécuritaires, économiques et politiques, se retrouvent désormais confrontés à des complications diplomatiques majeures. Le départ des employés de la CEDEAO pourrait entraîner des conséquences graves sur plusieurs fronts, notamment dans les domaines économiques, sociaux, et de la gouvernance régionale.
- Le défi économique
L’un des plus grands défis pour les pays de l’AES est de maintenir leur stabilité économique face à l’isolement imposé par la CEDEAO. Avec la rupture des relations, ces nations risquent de se retrouver exclues des principaux réseaux économiques et financiers de l’Afrique de l’Ouest. La CEDEAO constitue un acteur clé en matière de commerce régional, de coopération économique, et de soutien financier entre ses membres. L’AES devra donc trouver des alternatives pour maintenir ses échanges commerciaux, notamment à travers des partenariats avec d’autres régions, telles que l’Afrique centrale ou le Maghreb, voire la Chine et d’autres puissances non-africaines.
- Le défi sécuritaire
Le Sahel est l’une des régions les plus fragiles en matière de sécurité, en raison de la menace grandissante des groupes djihadistes, des milices armées, et des tensions internes. L’AES, créée pour faire face à cette menace, devra maintenant gérer cette problématique sans l’appui logistique et militaire de la CEDEAO. Si la décision de la CEDEAO d’exclure les employés de l’AES marque un point de rupture dans la coopération en matière de sécurité, elle complique aussi les efforts de ces pays pour lutter efficacement contre le terrorisme et les groupes armés dans la région. La création d’une force antiterroriste conjointe entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, annoncée dans le cadre de l’AES, pourrait être un moyen de pallier ce vide, mais les ressources et le soutien international nécessaires à son efficacité restent incertains.
- Le défi diplomatique
Sur le plan diplomatique, la rupture avec la CEDEAO et la mise à l’écart des employés de l’AES compliquent encore davantage les relations de ces pays avec la communauté internationale. L’isolement diplomatique pourrait engendrer une perte de soutien extérieur, non seulement en termes de financement, mais aussi dans les forums régionaux et mondiaux. La coopération avec l’Union européenne, les États-Unis, et même l’ONU, pourrait se voir entravée, à mesure que la CEDEAO maintient la pression sur l’AES. Il sera donc crucial pour ces pays de diversifier leurs alliances et de chercher de nouveaux partenaires dans d’autres blocs internationaux, notamment en Afrique de l’Est, en Chine, et au Moyen-Orient.
- Le défi de la gouvernance interne
Enfin, sur le plan interne, les trois pays membres de l’AES sont confrontés à des défis de gouvernance, avec des régimes militaires en place depuis plusieurs années. Le rejet par la CEDEAO pourrait exacerber la tension entre les gouvernements militaires et les populations, qui sont souvent confrontées à une situation de pauvreté et à une insécurité croissante. L’absence de dialogue avec l’organisation régionale pourrait rendre plus difficile la gestion des attentes populaires et l’instauration d’une stabilité à long terme. De plus, la pression extérieure pourrait également renforcer les oppositions internes au sein de ces gouvernements, alors que les contestations s’intensifient face à des régimes jugés de plus en plus autoritaires.
Quelles solutions pour l’AES ?
Face à ces défis, les pays membres de l’AES devront faire preuve de résilience et d’ingéniosité. L’AES pourrait renforcer ses propres institutions et structures internes pour compenser l’absence de l’influence de la CEDEAO. L’un des projets à fort potentiel est la mise en place d’une monnaie régionale indépendante et d’un système de défense intégré entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Toutefois, ces projets nécessitent un leadership fort, une gestion rigoureuse des ressources et une coopération étroite entre les pays membres.
Une autre solution réside dans le renforcement des alliances avec d’autres acteurs internationaux et la diversification des partenariats économiques. Cela pourrait inclure des accords bilatéraux ou multilatéraux avec des pays voisins, la Chine, la Russie, ou même des nations africaines en dehors de la CEDEAO, qui pourraient apporter un soutien dans les domaines économiques et sécuritaires.
La mise à la porte des employés de l’AES par la CEDEAO marque une nouvelle étape dans les tensions qui opposent ces deux blocs régionaux. Pour les pays de l’AES, cela représente un défi considérable, mais aussi une opportunité de se renforcer et de redéfinir leur place sur l’échiquier régional et international. Il leur faudra naviguer habilement entre indépendance et coopération, tout en assurant la stabilité interne et la sécurité des populations dans un contexte extrêmement difficile. Le peuple de l’AES, pour sa part, devra faire preuve de solidarité et de résilience face à ces épreuves, et espérer que cette période difficile finira par donner naissance à un avenir plus prospère et plus unifié pour la région.
Dimitri AGBOZOH -GUIDIH
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