Briguer un mandat électif, c’est comprendre ce que disent les électeurs à travers les textes fondamentaux du pays : « Tu auras tant de temps pour réaliser ton programme : par exemple au minimum un mandat de 5 ans et au maximum deux mandats de 5 ans.» Celui qui veut gouverner, doit alors se projeter dans le temps, connaissant le terme où il doit partir ou avoir le droit de se représenter.
Une fois la question du temps imparti réglée, se pose la question des objectifs à atteindre. Normalement on n’attend pas la fin du mandat avant de procéder à des évaluations. Dans ce sens, on doit en effet, répondre à une liste d’interrogations :
Suis-je bien parti ? C’est ce qui se passe par exemple lorsqu’on fait un bilan aux « cent jours » d’un mandat ;
Suis-je dans la bonne direction par rapport aux objectifs intermédiaires que moi même je me suis fixés dans le projet et le programme présentés aux électeurs ? Exemple j’ai annoncé que le taux de chômage commencera à baisser au cours de la deuxième année de mon mandat, est-ce en voie de réalisation ?
Suis-je dans le strict respect des fondamentaux que j’ai annoncés pour briguer le mandat ? Par exemple, droits de l’homme et libertés publiques, moralisation de la vie publique, lutte contre la corruption, diminution de la pauvreté etc.
Ce questionnement doit d’abord être celui de l’élu car il doit comprendre ce que dit Pierre POULAIN, le 27 mars 2020 à propos de la gestion du COVID-19 en France : « Les politiques doivent faire cet exercice difficile de gouverner dans l’instant mais aussi en prévision des années à venir, quitte à ce que ça puisse servir quand ils ne seront plus là. »
(www.territoires.org).
Cependant les réponses aux interrogations doivent être publiques car ceux qui ont donné leur voix à l’élu, et tous les citoyens d’ailleurs, doivent aussi vérifier s’il est fidèle à ses promesses. Pour cela des mécanismes de contrôle doivent exister à divers niveaux pour tout mandat.
Prenons l’exemple du mandat présidentiel :
le législatif constitue un premier niveau de contrôle : la loi du pays ne permet pas tout. C’est ainsi que des limites ont été posées à Donald TRUMP par le Congrès Américain. Qu’en est-il en Afrique et en particulier au Togo ?
Par ailleurs les actions de l’exécutif ont bien évidemment des impacts au niveau local, dans le cadre de la collaboration avec les collectivités régionales, préfectorales ou communales. Personne ne doit constituer une victime de l’action de l’exécutif. Pour cela le niveau local a droit de regard sur l’action de l’exécutif à travers des règles de fonctionnement édictées par exemple dans un contrat de décentralisation. La décentralisation marche-t-elle dans notre pays ?
La société civile a le devoir d’évaluer les résultats aux différents niveaux où elle se situe : vie quotidienne (associations de consommateurs, de femmes, etc.) travail (syndicats), vivre-ensemble (Droits de l’homme). Au sein de cette société civile, il existe une certaine catégorie de citoyens qui jouent le rôle de veilleurs : ce sont les intellectuels. Soyons clairs, il s’agit de ceux à qui leur expertise permet de prendre une certaine distance par rapport à l’action en cours. Et surtout ceux qui ont accepté l’ascèse qui s’ensuit : il s’agit pour eux, en effet, de prendre de la hauteur pour avoir
une vue plus globale, mais aussi la marge nécessaire pour être objectif (ce qui ne signifie nullement ne pas avoir de choix personnel mais prendre conscience de ses choix personnels pour les indiquer en toute transparence).
Au Togo, la société civile est-elle réellement un contre-pouvoir ?
Dans l’évaluation de l’action de l’exécutif, le rôle de la presse est incontournable. Elle doit donner des informations mais aussi produire des alertes, notamment en procédant à des investigations sur les dessous souvent cachés de l’action de l’exécutif.
La presse, comme les intellectuels, a des devoirs, devenant une déontologie : la vérité et la transparence indiquant pour qui « on roule « .
La presse et l’opinion publique sont-elles véritablement un redoutable pouvoir pour le gouvernement dans nos pays en Afrique et en particulier au Togo ?
Enfin il y a ceux qui cherchent à prendre le pouvoir : l’opposition politique. Elle a un rôle critique important à jouer vis-à-vis de l’exécutif ; elle doit non seulement lui rappeler ses promesses et donc ses devoirs mais elle doit aussi nous faire rêver par la proposition d’une autre vision, d’un autre projet de société. L’opposition joue-t-elle réellement son rôle dans notre pays ?
Toutes ces instances doivent jouer leur rôle car, comme le dit René CARBONNEAU, universitaire Québécois, « la soumission obtuse n’est pas vertu mais démission ».
A propos de démission, au Mali, ces dernières semaines, les citoyens sont descendus dans la rue au risque de leur vie pour demander la démission du président IBK : les niveaux précédemment énumérés n’auraient-ils pas fonctionné pour qu’on arrive à ce point ? Ou bien n’existent-ils pas véritablement ?
Nous pouvons répondre pour ce qui est du Togo de 2020. Les différents niveaux ont du mal à exister, d’abord parce que les objectifs ne semblent pas être clairement indiqués.
En effet l’absence d’évaluation de l’action du mandat, ou plutôt des mandats précédents, ne permet pas de dire en vérité d’où on part mais surtout :
Quelle est l’indépendance du législatif par rapport à l’exécutif ?
Quels sont les marges de contrôle des élus locaux privés de moyens ?
Quelle est la force d’une société civile en gestation avec des intellectuels qui ne se démarquent pas suffisamment des diplômés universitaires ?
Comment peut vivre et prospérer une presse qui tente de se réveiller mais qui est étouffée et surtout sans recours à cause d’une justice qui ne fonctionne pas selon les normes institutionnelles ?
Quelle est réellement l’impact des partis politiques ?
Si le Mali fonctionne également et malheureusement comme cela, alors on comprend bien les Maliens ! Mais IBK, lui, les comprend-il ?
Serait-il le seul chef d’Etat en Afrique dans le cas ?
Et le Cameroun, le Tchad, le Gabon, la Guinée, la Côte d’Ivoire, la Guinée équatoriale, le Togo… ?
Les chefs d’Etat en Afrique comprennent-ils les désirs de leurs concitoyens ? Telle est la question qui se pose ? En effet, parfois la démission constitue une porte de sortie qui vous est offerte : on vous propose de sortir de vous-même avant qu’on ne vous jette dehors.
La démission peut correspondre par conséquent à une décision extrêmement honorable. Tel est le cas de celui ou celle qui ne se retrouve pas dans un système auquel il a participé au début et qui trouve que ce système ne demeure pas fidèle à ses engagements ; il se sent donc obligé de prendre ses distances et donc de démissionner. Ce geste devrait se poser que l’on soit au pouvoir ou dans l’opposition. On ne le vit pas souvent en Afrique et surtout on ne le voit pas. Démissionner n’est pas toujours un signe de lâcheté.
Encore meilleur est le cas de celui qui ne veut pas salir la fonction qu’il représente. On a connu des personnalités de premier plan qui, dans d’autres pays, ont été accusées de telle ou telle malversation. Elles ont décidé de démissionner pour que toute la lumière soit faite avant de
revenir éventuellement la tête haute, réhabilitées. En effet, à quoi cela peut-il servir de continuer en portant l’opprobre et en jetant ainsi le discrédit sur la fonction, sur toute l’institution ? On rêve de telles démissions au Togo dans certains domaines et milieux… Car ce n’est vraiment pas un honneur d’entendre murmurer à propos de soi « Pourquoi ne démissionne-t-il pas ? » jusqu’au jour où un groupe de citoyens commencent à citer vos exactions pour vous jeter dehors.
Démissionner avant cela ne représenterait-il pas un bel exemple de respect pour les institutions et pour le pays tout entier ? Cela ne parlerait-il pas aux citoyens en général et surtout à la jeunesse en leur faisant comprendre que : « Gouverner, c’est prévoir de partir et non de rester coûte que coûte ».
Lomé, le 17 juillet 2020
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