La démocratie moderne, dite de délégation, repose sur une vérité incontournable : il est impossible de concevoir l’organisation du bien commun et la gouvernance des peuples par la participation de tous les citoyens à toutes les décisions et à tous les stades de celles-ci. Cela est encore plus vrai quand on considère l’ampleur des sociétés contemporaines et des territoires occupés, les nombreux et profonds clivages sociaux autant qu’idéologiques, les multiples conflits d’intérêts, la complexité des enjeux politiques ainsi que la nature de certaines questions qui nécessitent des arbitrages délicats et difficiles ou des décisions rapides, voire urgentes. Il faut parfois trancher dans le vif et décider sans délai de la direction à prendre.
Est-ce à dire cependant que l’on doive continuer de priver l’ensemble des citoyens de tout pouvoir de décision ou presque, comme c’est le cas dans la plupart des démocraties contemporaines, dont la nôtre ?
Dans le respect de la doctrine démocratique qui veut que le peuple soit souverain et qu’il gouverne ses propres affaires, les élus ne devraient-ils pas avoir recours au référendum beaucoup plus souvent ?
Bien plus, ne devrait-on pas aussi accorder aux citoyens le droit d’amorcer eux-mêmes des référendums sur plusieurs questions, y compris la révocation de mandats électifs et le blocage de lois adoptées par le Parlement ?
Contre cette position, les adversaires de la démocratie directe invoquent trois arguments majeurs :
Le premier est que l’initiative populaire représente une surcharge de l’agenda des autorités publiques causée par un excès de demandes et de revendications, ce qui complique et alourdit la gouvernementalité.
Le second est la prolifération des blocages par le droit de veto populaire, ce qui peut provoquer sinon un immobilisme et une paralysie décisionnelle, tout au moins un ralentissement significatif du processus décisionnel engendrant ainsi des conséquences allant à l’encontre du bien commun. Enfin,
le troisième argument massue invoqué constamment par les partisans du statu quo est la peur des dérapages démagogiques et populistes qui pourraient conduire à des reculs dramatiques sur le plan des acquis sociaux et des droits humains.
C’est la peur des excès du pouvoir du peuple, de la dictature de la majorité silencieuse et ignorante au détriment de différentes minorités ; c’est la peur de se voir imposer contre son gré des choix qui heurtent principalement nos valeurs morales et nos croyances religieuses ; c’est aussi la crainte de voir l’opinion publique manipulée et trompée à la faveur d’un déséquilibre des options en jeu à cause de règles de formulation de questions ou de financement inéquitables voire carrément inexistants.
On peut opposer à ces arguments, qui ne sont pas sans quelques fondements, une plaidoirie intégrant de multiples facettes. Par exemple, pour contrer la peur des excès populistes, on peut très bien envisager différentes mesures de protection étanches telles une charte des droits et libertés constitutionnalisée et une loi encadrant rigoureusement les dépenses de promotion. On pourrait aussi choisir de limiter le champ d’application du droit d’initiative populaire en interdisant son usage sur certaines questions, notamment sur celles touchant les droits des minorités et en limitant les usages du veto populaire. On pourrait également procéder par étapes afin de développer progressivement la responsabilité citoyenne notamment par l’introduction de nouveaux mécanismes de discussion et d’information qui se déploieraient avant les scrutins référendaires. D’ailleurs, tout référendum devrait être l’aboutissement d’un dialogue intense entre tous les citoyens et non un simple moyen de trancher une question en faisant la somme des pour et des contre. Cela dit, il serait pernicieux de refuser d’élargir le pouvoir décisionnel des citoyens sous prétexte qu’actuellement les niveaux de conscience citoyenne et de compétence civique ne sont pas encore assez élevés ou que le niveau d’éthique sociale est toujours déficient. Il faut reconnaître que la discussion et la délibération nécessitent du temps et coûtent plus cher qu’une gouvernance autoritaire. La dictature, éclairée ou pas, est toujours plus expéditive. Cependant, il est loin d’être démontré qu’elle soit plus efficace. Chose certaine, il faut choisir. Quoi qu’il en soit, le débat sur l’introduction d’un usage plus répandu de l’instrument référendaire et de l’initiative populaire est majeur car il oblige à aborder de front le véritable questionnement, à savoir l’opportunité de maintenir le rapport actuel qui prévaut entre les citoyens et la société civile d’une part et la classe des représentants politiques d’autre part. La recherche du dosage adéquat entre démocratie directe et démocratie représentative est d’ailleurs la trame de la présente réflexion.
TESKO ARISTO
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