• 26 juillet 2024 16h29

Miadé Bé Nou

Traditions, Cultures ancestrales et Actualités du Togo, d'Afrique et du Monde

Les musées en Afrique sont conçus en pensant aux touristes étrangers

ByAristo

Déc 6, 2022

Le directeur de l’École du patrimoine africain (EPA) de Porto-Novo au Bénin, Franck Komlan Ogou, déplore que, parallèlement à la restitution de biens culturels, le trafic illicite d’œuvres d’art se poursuive à un rythme soutenu

Le Temps: Quelle formation reçoit-on à l’École du patrimoine africain?

Les gens sont formés aux métiers de la culture et du patrimoine, pour travailler dans ce secteur au Bénin et ailleurs en Afrique francophone. Un premier objectif est de restituer les œuvres qui se trouvent dans des musées européens ou américains; un second, de faire en sorte qu’elles soient bien gérées. Et pour cela, il faut une main-d’œuvre qualifiée.

Pendant que des biens culturels sont restitués, d’autres continuent à quitter les pays africains de manière illicite?

L’année dernière, une trentaine de personnes travaillant dans des musées, mais aussi des représentants des forces de sécurité et des douanes ont été formés dans le cadre d’un programme sur le trafic illicite des biens culturels; car les objets qui sont volés traversent les frontières, et les personnes en uniforme, les «corps habillés» comme nous les appelons, les laissent parfois passer par manque d’information.

Tous les jours que Dieu fait, des objets culturels africains quittent nos pays, parfois par valises entières. J’étais encore récemment à Lomé et au Cameroun pour expertiser des objets volés, saisis par la douane dans les bagages de personnes, généralement des Européens ou des Américains qui tentent de les faire sortir frauduleusement du pays. Les «corps habillés» ont compris que nous devons collaborer pour mener la lutte contre le trafic illicite des objets culturels. Sinon, dans dix ou vingt ans, nos enfants seront obligés de prendre l’avion direction l’Europe pour voir une porte dogon ou un masque baoulé, parce qu’il n’y aura plus rien ici. Cela m’attriste profondément, mais je suis impuissant; je n’ai pas d’argent pour aider les gens et les empêcher de vendre leurs objets cultuels et culturels.

Comment y remédier?

Les «banques culturelles» et les «musées villageois» qu’on trouve déjà au Mali, au Bénin, au Togo, en Guinée, permettent aux membres d’une communauté d’y déposer en garantie leurs objets qui ont servi à faire des rituels, en échange desquels ils reçoivent un prêt à taux zéro qu’ils rembourseront ensuite petit à petit. Cela crée les bases d’un «musée villageois», avec une gestion légère assurée par la communauté elle-même; une entrée payante pour les visiteurs dont les ressources alimentent le capital de la banque.

Cela permet non seulement de lutter contre le trafic illicite, parce que les communautés ne sont plus forcées de vendre leurs objets pour survivre, mais cela contribue aussi à faire reculer un peu les frontières de la pauvreté pour nos parents au village. Cela crée aussi un lieu culturel de proximité, dans lequel les villageois se retrouvent, car il leur permet de communiquer avec des objets qu’ils continuent à utiliser ponctuellement pour des cérémonies.

Ce qui n’est pas le cas des musées «à l’occidentale»?

Non, et je pense d’ailleurs qu’il faut décoloniser le musée en Afrique, penser à un autre type de lieu, qui donne la possibilité aux visiteurs de créer un dialogue avec l’objet. Personnellement, je suis toujours choqué lorsque je vais dans des musées en Occident, et que je vois des objets qui, normalement, chez moi, sont utilisés dans des rituels, se retrouver dans des vitrines dans un musée. Nous allons lancer à l’EPA une plateforme numérique intitulée «Musées africains – jeune, ta voix compte» pour que les jeunes puissent exprimer ce qu’ils attendent d’un musée. Je suis impatient du résultat. Car les musées en Afrique commettent généralement l’erreur d’être conçus en pensant aux touristes étrangers, et non aux nationaux. Ce sont pourtant ces derniers qui sont la première source de fréquentation. Il s’agit donc de mieux intégrer les préoccupations des populations locales.

La question de la sécurité des œuvres dans les musées africains représente un gros défi…

En effet. C’est pourquoi nous sommes engagés auprès de l’État béninois, qui injecte des sommes colossales dans la construction de musées pour que les agents qui y seront employés bénéficient de bonnes conditions de travail. Afin de leur permettre de résister à ceux qui, pour le compte de collectionneurs occidentaux, viennent leur faire des propositions mirobolantes pour obtenir les pièces qu’ils convoitent. La formation seule ne suffit pas, il faut que les employés des musées soient à l’abri du besoin et disposent d’un haut niveau de responsabilité. Sinon, le trafic illicite des biens culturels va se poursuivre.

Le petit togolais en balade au calme. Mes petits écrits me semblent si dérisoires pour honorer autant de beauté et de Gloire. Ma modeste plume puise dans l’encrier de mon cœur et transcrit pour vous toute ma reconnaissance . Je ne fais que parler de tout et de rien.

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