Sous le thème « Christianisme et religions traditionnelles africaines », un colloque organisé samedi, 14 juin 2025 à la Paroisse Universitaire Saint Jean Apôtre de Lomé a rassemblé un public nombreux et diversifié, composé de prêtres, de chefs traditionnels, d’universitaires, de représentants ministériels et de jeunes issus de différentes confessions.
Cette rencontre, placée sous le signe du dialogue et de la réflexion, a été marquée par des interventions qui ont suscité débats et interrogations, notamment lors d’un deuxième panel très attendu. Deux communications y ont été présentées : l’une portée par Togbui Dagban Ayivon IV, chef du quartier Adakpamé, intitulée « Nouvelle idéologie souverainiste d’un retour aux religions africaines », et l’autre, une réponse d’inspiration pastorale portée par le révérend Dr Charles Kuzo.
Vers un renouveau identitaire par les traditions africaines
Dans son intervention, Togbui Dagban Ayivon a défendu l’idée d’un retour assumé aux religions traditionnelles africaines, qu’il considère comme un levier de souveraineté culturelle et identitaire. Il a souligné les différences fondamentales entre les systèmes spirituels africains et le christianisme : absence de péché originel, de paradis ou d’enfer, et relation différente avec le divin.
« La spiritualité africaine repose sur une symbiose avec la nature. Le divin est invisible, accessible à travers les éléments et les divinités. Ce n’est pas uniquement le Vodoun : il s’agit d’un système complet de savoirs et de pratiques », a-t-il précisé.
Selon lui, ce retour ne se limite pas à une quête spirituelle mais traduit un rejet d’un héritage religieux perçu comme imposé. Il évoque un besoin profond d’authenticité, d’affirmation de soi et de déconstruction des complexes hérités de la colonisation.
« Les religions importées ont souvent nié nos ancêtres, détruit nos symboles et marginalisé nos temples. Ce retour est donc une démarche politique, culturelle et éducative », a-t-il insisté.
Togbui Dagban a également appelé les États africains à reconnaître officiellement les religions traditionnelles, en les intégrant dans les programmes scolaires et universitaires, estimant que « le Vodoun et les traditions spirituelles africaines doivent devenir des outils de souveraineté spirituelle ».
Une réponse pastorale critique et nuancée
Prenant la parole en réponse, le révérend Dr Charles Kuzo a reconnu l’essor des discours en faveur du retour aux religions traditionnelles africaines, qu’il a qualifiés de « mouvement identitaire significatif », avant d’appeler à un regard critique sur ses motivations.
« Ce retour est aussi une critique du christianisme, de son rapport au passé africain et de son rôle dans l’effacement des spiritualités locales. Mais de quoi ce retour est-il vraiment le nom ? », a-t-il interrogé.
S’appuyant sur des études historiques, le théologien a remis en question l’idée d’un retour « pur » à une tradition originelle. Il a rappelé que les cultes africains actuels sont eux-mêmes le fruit de croisements et de syncrétismes, influencés aussi bien par les cultures locales que par le contact avec l’Europe et les autres peuples.
« Le Vodoun n’est pas immuable. Il a évolué. Parler de retour à une source pure, c’est parfois réinventer le passé. Cela peut devenir une nouvelle forme d’essentialisme, miroir inversé de l’attitude des anciens missionnaires », a-t-il averti.
Selon lui, cette dynamique peut reproduire des formes de violence symbolique, notamment lorsqu’elle tente d’imposer une vision uniforme de l’africanité religieuse.
Une journée de réflexion saluée
Le Comité d’Organisation s’est félicité du succès de ce colloque, saluant la richesse des interventions et la qualité des échanges.
« Ce fut une journée intense, exigeante et stimulante. Les débats ont révélé les tensions, mais aussi les ponts possibles entre héritages spirituels africains et foi chrétienne », a confié un membre du comité.
Cette initiative ouvre ainsi de nouvelles perspectives de dialogue, dans un contexte africain où la réappropriation culturelle et spirituelle devient une question centrale.
Source: Journal « Le Correcteur », RA
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