La constitution d’un pays est souvent considérée comme la pierre angulaire de son système politique et juridique. Elle incarne les valeurs, les principes fondamentaux et les règles qui régissent la vie en société, garantissant les droits et libertés des citoyens.
Cependant, dans certaines régions du monde, ces principes sont mis à mal par des gouvernements qui ne respectent pas toujours la lettre et l’esprit de la constitution. Le Togo, en Afrique de l’Ouest, est l’un de ces pays où la confiance en la constitution est devenue un sujet brûlant de débats. Peut-on véritablement vivre dans un pays où la population perd progressivement confiance en sa constitution et ses institutions ?
Le Togo et son histoire constitutionnelle : Une relation de méfiance
Depuis son indépendance en 1960, le Togo a connu plusieurs révisions constitutionnelles, souvent marquées par des changements qui ont renforcé le pouvoir exécutif, au détriment des autres institutions. Le pays, dirigé par Faure Gnassingbé depuis 2005, a vu sa constitution modifiée à plusieurs reprises, notamment en 2002 et en 2019. Ces révisions ont eu pour effet de prolonger la durée des mandats présidentiels et d’offrir plus de prérogatives à la présidence.
La modification de la constitution en 2019, qui a permis de limiter à deux le nombre de mandats présidentiels, a été présentée comme un signe de renouveau démocratique. Cependant, ce changement a été perçu par une grande partie de la population et par les observateurs internationaux comme une tentative de consolidation du pouvoir par la famille Gnassingbé, après plus de 50 ans de régime dynastique. Si cette révision constitutionnelle a été saluée par certains, elle a aussi alimenté les critiques et nourri le sentiment de méfiance vis-à-vis de la constitution et des intentions des autorités.
Une constitution perçue comme un outil au service du pouvoir
Dans le cas du Togo, la constitution est vue par une grande partie de la population comme un instrument utilisé pour maintenir une forme de contrôle autoritaire plutôt qu’un véritable mécanisme de régulation démocratique. L’opposition politique et plusieurs organisations de la société civile ont dénoncé à plusieurs reprises les détournements de la constitution et le non-respect des principes démocratiques fondamentaux, notamment en ce qui concerne la séparation des pouvoirs.
Les révisions constitutionnelles qui ont favorisé la concentration des pouvoirs au sein de l’exécutif ont renforcé cette perception. En effet, bien que la constitution stipule la séparation des pouvoirs et la nécessité de garantir la liberté d’expression, le droit de manifester et la protection des droits humains, les pratiques politiques sur le terrain semblent souvent contredire ces principes. La répression des manifestations, les arrestations arbitraires et les violations des droits de l’homme sont des réalités auxquelles les Togolais sont confrontés, ce qui crée un fossé de plus en plus profond entre les textes de la constitution et leur application effective.
Le manque de confiance : Un phénomène qui divise la société togolaise
Le manque de confiance envers la constitution touche diverses couches de la société togolaise. Du côté des citoyens, de nombreuses personnes estiment que les révisions constitutionnelles successives sont plus destinées à renforcer le pouvoir personnel du président et de sa famille qu’à garantir une véritable alternance politique. Ces révisions ont engendré un sentiment d’impuissance et de frustration parmi la population, qui voit son avenir politique comme étant souvent déterminé par des dynamiques qui échappent à son contrôle.
L’opposition politique au Togo, elle, a toujours dénoncé les changements constitutionnels et les élections qu’elle juge non transparentes et injustes. Des voix s’élèvent régulièrement pour critiquer la manière dont la constitution est utilisée pour entériner la domination d’un seul clan politique et empêcher une véritable démocratisation du pays. Ces critiques sont renforcées par le manque de réelles réformes institutionnelles et les nombreuses irrégularités observées lors des élections, qu’elles soient locales ou présidentielles.
Les élections de 2020, marquées par des accusations de fraude et de manipulation des résultats, ont contribué à l’érosion de la confiance des citoyens dans les institutions et dans la constitution elle-même. Le climat de méfiance qui en a découlé a exacerbé les tensions sociales et politiques au Togo, alimentant le scepticisme sur la capacité du pays à opérer une véritable transition démocratique.
Les défis pour la jeunesse togolaise et l’avenir du pays
La jeunesse togolaise, de plus en plus éduquée et consciente de ses droits, se retrouve souvent dans une situation paradoxale. D’un côté, elle est appelée à défendre la constitution et à participer à la construction démocratique du pays, mais de l’autre, elle se retrouve confrontée à une réalité politique où les mécanismes démocratiques sont souvent ignorés ou maltraités. Le manque de confiance dans la constitution est particulièrement palpable chez les jeunes, qui aspirent à un changement radical dans la gestion du pays.
Pour les jeunes togolais, l’engagement politique est souvent perçu comme un combat contre un système figé. Si certains restent optimistes et militent pour une réforme en profondeur de la constitution, d’autres sont plus désillusionnés, voyant dans la constitution un outil de maintien en place d’un régime autoritaire. Cette génération, tiraillée entre espoir et désenchantement, s’interroge sur la possibilité d’un avenir où l’Etat de droit, tel qu’il est garanti par la constitution, sera respecté et appliqué avec équité.
La communauté internationale et l’avenir démocratique du Togo
Le rôle de la communauté internationale dans le soutien à la démocratisation du Togo est également un facteur clé. Les pays occidentaux et les organisations internationales, comme l’Union européenne et les Nations unies, ont régulièrement exprimé leurs préoccupations concernant le respect des droits de l’homme et la gouvernance démocratique au Togo. Cependant, malgré les pressions et les critiques, le régime togolais semble peu disposé à accepter une remise en question fondamentale de son système constitutionnel.
Pourtant, des réformes réelles et ambitieuses sont nécessaires pour restaurer la confiance des citoyens dans la constitution et les institutions du pays. L’application des principes démocratiques de la constitution, tels que la liberté d’expression, l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, pourrait ouvrir la voie à une réconciliation entre la population et ses dirigeants. La refonte de la constitution, si elle se fait de manière inclusive et transparente, pourrait être un premier pas vers la reconstruction de la confiance et la refondation de l’Etat de droit au Togo.
Une constitution sans confiance, est-ce possible ?
Vivre dans un pays où l’on n’a pas confiance en sa constitution est une situation complexe et potentiellement dangereuse pour l’équilibre social et politique. Le Togo, avec son histoire constitutionnelle marquée par des révisions contestées et une gouvernance autoritaire, fait face à un défi majeur : restaurer la confiance de ses citoyens dans ses institutions. La constitution, qui est censée être le socle de l’unité et de la paix, semble, dans ce cas, être perçue comme un instrument de maintien du pouvoir en place plutôt que comme un véritable garant des droits du peuple.
Il est désormais impératif que le Togo engage une véritable réflexion sur la révision de sa constitution, dans un esprit d’inclusivité et de transparence, pour que celle-ci reflète les aspirations démocratiques de la population. Sans cette réconciliation entre le peuple et sa constitution, le Togo risque de continuer à vivre dans une forme de stagnation politique, où la méfiance et le désenchantement ne feront que croître.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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