« De la mobilisation citoyenne à la désinformation, comment les plateformes digitales redessinent le paysage politique ouest-africain »
Le 23 août 2023, alors que les résultats des élections nigérianes commençaient à filtrer, #NigeriaDecides devenait tendance mondiale sur Twitter avec plus de 5 millions de tweets. Quelques mois plus tôt, au Sénégal, le mouvement #FreeSenegal avait mobilisé des centaines de milliers de jeunes contre un troisième mandat présidentiel contesté. Ces exemples illustrent une réalité nouvelle : en Afrique de l’Ouest, les réseaux sociaux sont devenus l’arène où se joue en partie le combat pour l’alternance démocratique. Mais cette révolution numérique sert-elle vraiment la démocratie ou ouvre-t-elle la voie à de nouvelles manipulations ?
La révolution numérique ouest-africaine en chiffres
- Pénétration Internet : 45% de la population connectée (contre 28% en 2018)
- Utilisateurs actifs des réseaux sociaux : 72 millions
- Taux de croissance annuel : +12% (le plus élevé au monde)
- Plateformes dominantes : Facebook (58%), WhatsApp (89%), Twitter (32%), TikTok (41%)
« Les smartphones sont devenus plus puissants que les urnes dans certaines mains », analyse Dr. Aïcha Konaté, spécialiste en gouvernance numérique à l’Université de Lomé.
Trois batailles où les réseaux ont fait la différence
a) Nigeria 2023 : #OBIdient et la vague Peter Obi
Mobilisation inédite des jeunes urbains
Financement participatif de la campagne via Flutterwave
Détection en temps réel des irrégularités électorales
b) Sénégal 2024 : #FreeSenegal contre le 3ème mandat
Organisation des manifestations via Telegram
Viralisation des violences policières
Pression internationale amplifiée par le numérique
c) Ghana 2020 : #FixTheCountry
Agrégation des griefs populaires
Contournement des médias traditionnels
Maintien de la pression post-électorale
L’envers du décor : les dangers de la démocratie 2.0
a) Désinformation à grande échelle
62% des contenus politiques partagés non vérifiés (étude CIPESA)
Deepfakes utilisés pendant les élections nigérianes
Fermes à trolls financées par des partis politiques
b) Répression numérique
Coupures d’internet pendant les scrutins
Surveillance des activistes via Pegasus
Arrestations pour « publications subversives »
c) Polarisation exacerbée
Algorithmes qui renforcent les chambres d’écho
Discours de haine ethnique et religieuse
Fracture numérique générationnelle
Le paradoxe ouest-africain : des institutions faibles face à une société numérique forte
Alors que:
7 pays sur 16 ont connu des coups d’État depuis 2020
L’âge moyen des présidents est de 62 ans
68% de la population a moins de 30 ans
Les réseaux sociaux créent
Une nouvelle sphère publique incontrôlable par les pouvoirs
Des contre-pouvoirs citoyens permanents
Une mémoire collective des promesses non tenues
Peut-on réguler sans étouffer ? Les pistes en débat
- Vérification des faits : Expérience du Ghana Fact-Checking Center
- Transparence algorithmique : Projet de loi au Nigeria
- Éducation aux médias : Programmes scolaires au Sénégal
- Protection des lanceurs d’alerte : Loi « Whistleblowing » en Côte d’Ivoire La démocratie à l’ère du like et du partage
Alors que l’Afrique de l’Ouest traverse une période de turbulence politique sans précédent, les réseaux sociaux sont devenus le champ de bataille où se joue l’avenir démocratique de la région. Entre outil d’émancipation citoyenne et arme de manipulation massive, leur impact dépendra de la capacité des sociétés ouest-africaines à en faire un instrument de transparence plutôt que de division. Comme le rappelle un proverbe malinké adapté à l’ère numérique : « Un seul tweet peut allumer un feu, mais il faut toute la forêt pour l’éteindre. »
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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