La scène politique togolaise connaît un tournant inédit. Avec la mise en place de la Cinquième République, Faure Essozimna Gnassingbé, Président de la République depuis 2005, endosse désormais le titre de Président du Conseil de la République. Un changement de terminologie et de structure institutionnelle qui suscite interrogations, controverses et surtout, une vive mobilisation de l’opposition.
Un changement sémantique ou un basculement politique ?
Passer de Président du Conseil des ministres à Président du Conseil de la République, ce n’est pas qu’une simple nuance lexicale. Ce glissement marque le passage d’un régime présidentiel vers un régime parlementaire ou, du moins, vers une architecture politique qui s’en inspire sans en épouser pleinement les principes démocratiques fondamentaux.
Dans la nouvelle configuration, Faure Gnassingbé n’est plus seulement à la tête de l’exécutif : il devient l’incarnation d’un pouvoir arbitral, surplombant les institutions, tout en conservant une influence considérable sur l’appareil d’État. Une évolution que beaucoup assimilent à une recomposition du pouvoir destinée à maintenir l’emprise de l’actuel président au sommet de l’État, sous une autre forme.
Une réforme controversée votée sans référendum populaire
La révision constitutionnelle qui a introduit cette nouvelle République a été votée par l’Assemblée nationale le 19 avril 2024. Loin d’être plébiscitée par le peuple, elle a été perçue comme une manœuvre politique habile pour prolonger la longévité du pouvoir sans recourir au scrutin universel.
Les manifestations, grèves et déclarations enflammées de la société civile et de l’opposition traduisent une fracture croissante entre les dirigeants et la base populaire. La crainte est réelle : celle de voir le Togo glisser vers une forme de monarchie républicaine, déguisée sous les atours de la réforme institutionnelle.
Une gouvernance « par le haut », mais pour qui ?
En devenant Président du Conseil de la République, Faure Gnassingbé se voit attribuer une position « au-dessus des partis et des institutions », selon les mots mêmes de la nouvelle Constitution. Pourtant, cette centralisation des pouvoirs ne convainc guère.
Dans un contexte régional marqué par les transitions politiques complexes (Mali, Burkina Faso, Niger), le Togo donne l’impression d’un retour au centralisme autoritaire, alors que de nombreux peuples africains réclament davantage de participation et de transparence.
L’opposition maintient la pression
Les leaders de l’opposition, à l’instar de Brigitte Kafui Adjamagbo-Johnson ou encore Nathaniel Olympio, n’ont pas tardé à dénoncer un coup d’État constitutionnel. Pour eux, cette Cinquième République ne vise qu’à maintenir un même homme aux commandes, malgré l’usure du pouvoir et les aspirations démocratiques du peuple.
Des appels à la désobéissance civile, des marches pacifiques et des campagnes de sensibilisation à la base se multiplient. La rue veut être entendue, mais le régime reste sourd, campé sur ses positions.
Et maintenant ? « Allons-y seulement »
Cette expression togolaise, souvent utilisée pour relativiser l’adversité, résume peut-être le fatalisme d’une frange de la population. Mais ce « allons-y seulement » peut aussi être un appel à poursuivre la lutte démocratique dans un pays qui alterne espoirs brisés et tentatives de renouveau.
L’histoire dira si cette réforme marquera une transition démocratique maîtrisée ou une ruse de gouvernance pour pérenniser un pouvoir personnel. En attendant, le Togo reste à la croisée des chemins : entre la volonté de réforme, les réalités du pouvoir, et la légitime soif de démocratie de son peuple.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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