Une naissance sous tension: Le 19 avril 2024, les députés togolais ont approuvé à la quasi-unanimité une nouvelle Constitution, instaurant la Cinquième République du Togo. Une transformation historique, profonde, mais aussi largement controversée. Car derrière le vernis des réformes institutionnelles se cache un malaise démocratique évident : cette 5e République est née sans véritable consultation populaire.
Alors que les mots « modernisation », « stabilité » ou encore « nouvelle ère » ont été martelés par le pouvoir en place, le peuple, lui, n’a pas été appelé à se prononcer. Aucune élection, aucun référendum. Un silence populaire transformé en soupçon, une absence de débat assimilée à un déni de démocratie. Le Togo entre dans une nouvelle ère politique, mais à quel prix ?
Genèse de la 5e République : un tournant majeur… imposé
Un changement fondamental du régime
Avec l’adoption de la nouvelle Constitution, le Togo passe d’un régime présidentiel à un régime parlementaire. Le président de la République devient une figure plus symbolique, tandis que le pouvoir exécutif est désormais concentré entre les mains d’un président du Conseil des ministres, élu par les députés. En apparence, cela pourrait ressembler à un progrès vers un pouvoir partagé.
Mais en pratique, la majorité parlementaire reste largement acquise au pouvoir en place, contrôlée par le parti UNIR (Union pour la République). Autrement dit, le président Faure Gnassingbé reste l’arbitre – et le grand gagnant – de cette réforme.
Une adoption express et un peuple écarté
La nouvelle Constitution a été adoptée en moins de deux mois, sans consultation référendaire. L’opposition et la société civile ont dénoncé un passage en force. Pourquoi une réforme si profonde n’a-t-elle pas été soumise au peuple ? Pourquoi un changement aussi capital n’a-t-il pas été précédé d’un débat national ? Les réponses peinent à convaincre.
Une opposition mobilisée, mais affaiblie
Des voix qui s’élèvent… dans la rue
Depuis l’adoption du texte, les mouvements de contestation se multiplient. Manifestations, déclarations de partis politiques, tribunes de personnalités indépendantes : l’opposition maintient la pression. Elle dénonce un coup d’État constitutionnel, une confiscation de la souveraineté populaire.
Mais cette opposition peine à fédérer largement. Elle est fragmentée, affaiblie par les années de répression, de divisions internes, et de démobilisation populaire. Les Togolais, bien qu’indignés pour beaucoup, semblent fatigués, désabusés.
Une société civile en veille
Les organisations de la société civile, quant à elles, oscillent entre prudence, fatigue et indignation silencieuse. Elles réclament un retour à la démocratie participative, une consultation citoyenne, une réforme du processus électoral, mais leurs voix peinent à franchir les murs de l’indifférence officielle.
Une Constitution taillée sur mesure , Vers une présidence à vie déguisée ?
Selon les nouvelles dispositions, le président Faure Gnassingbé pourrait rester en fonction jusqu’en 2031, voire au-delà, s’il devient président du Conseil. Pour de nombreux observateurs, cette réforme constitutionnelle n’est rien d’autre qu’une manœuvre pour rester au pouvoir sans alternance réelle.
Le passage à un régime parlementaire sans contre-pouvoir indépendant, sans justice libre ni opposition forte, risque d’ancrer encore davantage l’autoritarisme.
La rupture avec l’esprit démocratique
La légitimité démocratique repose sur le consentement du peuple. En changeant de République sans référendum, le pouvoir togolais rompt ce pacte sacré. Ce n’est pas la première fois qu’une telle réforme est imposée, mais jamais un changement aussi radical n’a été fait sans demander l’avis du citoyen.
Quelles conséquences pour l’avenir du Togo ?
Un risque d’instabilité politique à moyen terme
Loin de pacifier le débat politique, cette 5e République pourrait relancer des tensions profondes. L’absence de légitimité populaire ouvre la voie à des contestations plus fortes à l’approche des élections législatives, puis présidentielles. La rue pourrait redevenir le théâtre de confrontations.
Une image ternie à l’international
La communauté internationale, jusque-là silencieuse, observe la situation avec prudence. Mais le Togo risque de perdre en crédibilité démocratique, dans un contexte africain déjà tendu, où plusieurs pays glissent vers des régimes autoritaires ou militaires.
Une République sans le peuple peut-elle durer ?
La Cinquième République togolaise est désormais une réalité juridique. Mais peut-elle s’ancrer durablement sans adhésion populaire ? L’histoire nous enseigne que toute réforme imposée finit tôt ou tard par rencontrer la résistance de la rue ou l’érosion de la légitimité.
La démocratie n’est pas qu’un texte. C’est une confiance mutuelle entre gouvernants et gouvernés. En contournant le peuple, le pouvoir togolais a peut-être signé une victoire institutionnelle, mais aussi ouvert une brèche politique.
Il ne tient désormais qu’au gouvernement de prouver, par les actes et non les slogans, que cette 5e République n’est pas une coquille vide, mais une véritable avancée pour les Togolais.
Dimitri AGBOZOH-GUIDIH
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