• 26 juillet 2024 16h29

Miadé Bé Nou

Traditions, Cultures ancestrales et Actualités du Togo, d'Afrique et du Monde

Les défis posés par la restitution à l’Afrique des biens culturels pillés durant la colonisation

ByAristo

Déc 2, 2022

Alors que 90 % du patrimoine culturel subsaharien est éparpillé hors du continent, Paris s’est engagé, en 2017, à rendre possible, à l’horizon 2022, la restitution des pièces conservées en France à la suite des pillages coloniaux. Jusqu’à présent, très peu ont retrouvé leur terre d’origine.

A Cotonou, on vient d’exposer durant trois mois les trésors d’Abomey, restitués par la France. Une première étape réussie pour le Bénin, mais les défis à venir restent multiples

Lors de son discours prononcé face à un parterre d’étudiants de l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso, le 28 novembre 2017, le président Emmanuel Macron avait suscité la surprise en souhaitant que, « d’ici à cinq ans, les conditions soient réunies pour des restitutions temporaires ou définitives du patrimoine africain en Afrique ». Dans cette optique, deux chercheurs – l’écrivain sénégalais Felwine Sarr, économiste et professeur à l’Université Gaston-Berger de Saint-Louis (Sénégal), et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française à l’Université technique de Berlin – avaient été chargés de rédiger un rapport.

En ce dimanche d’avril à Cotonou, au Bénin, sous un soleil de plomb, une foule se presse dans les immenses allées de la Marina, le palais présidentiel, pour aller admirer l’exposition Art du Bénin d’hier et aujourd’hui, qui accueille jusqu’à fin mai les 26 pièces «historiques», datant du XIXe siècle, restituées au Bénin par le Musée du Quai Branly à Paris. Elles sont exposées aux côtés d’œuvres magistrales d’une trentaine d’artistes contemporains béninois.

Parmi les visiteurs, des familles, des associations sportives, de jeunes couples comme Thibault Hounsa, informaticien, qui en est à sa deuxième visite avec sa compagne, «heureux de voir ce qu’il n’avait jamais pu voir. Je craignais que ce soit des copies qu’on nous ait renvoyé et que la France ait gardé les originaux», confie-t-il, désormais rassuré. Il espère néanmoins que «la France va rendre tout ce qui appartient au Bénin». Soit plusieurs milliers d’objets culturels et cultuels, entreposés dans les réserves de musées, de collectionneurs privés ou chez les descendants des militaires appartenant aux troupes coloniales françaises, qui ramenèrent en France, il y a quelque 130 ans, un véritable butin de guerre.

«C’est toute l’Afrique qui nous regarde»

L’engouement, bien réel, qui accompagne le retour au Bénin des trésors du royaume d’Abomey – parmi lesquels les fameuses statues anthropomorphes mi-homme mi-animal des rois Ghézo, Gléglé et Béhanzin – s’explique aussi par l’opportunité que donne l’exposition d’accéder aux jardins et à une aile du palais présidentiel, récemment rénové, habituellement interdits au public. Rançon du succès: alors qu’elle aurait dû fermer définitivement ses portes le week-end dernier, l’exposition rouvrira durant quelques semaines cet été.

Quelques bémols viennent entacher cet événement qualifié d’«historique»: après cinq années d’âpres négociations avec la France, le Bénin s’attendait à ce que davantage d’objets soient rendus. L’historien Dieudonné Gnammankou regrette par ailleurs que le Bénin n’ait pas eu son mot à dire dans le choix des œuvres restituées; et que le transfert juridique de propriété n’ait pas été acté pour l’ensemble des objets détenus par la France. «Il aurait dû revenir ensuite au Bénin de décider quelles œuvres seraient exposées en France ou ailleurs dans le monde, dans le cadre de la coopération culturelle entre pays», explique-t-il. Le président béninois, Patrice Talon, avait exprimé publiquement ses regrets que des objets emblématiques tels que la statue en fer du dieu Gou, actuellement exposée au Louvre, ou la tablette de divination du Fâ, restent dans l’Hexagone.

Dans la capitale de Porto-Novo, au siège de la Fondation panafricaine pour le développement culturel (Fonpadec) qu’il a créée, le professeur Nouréini Tidjani-Serpos se réjouit toutefois qu’après «un véritable parcours du combattant», le processus de la restitution des œuvres pillées pendant la colonisation ait enfin démarré. Lui qui officie comme président du comité chargé de la coopération muséale et patrimoniale entre la France et le Bénin reçoit régulièrement la visite de représentants d’autres pays africains, qui viennent lui demander conseil et s’inspirer de l’expérience de son pays. «C’est toute l’Afrique qui nous regarde, affirme-t-il. Si nous échouons, ce sera très compliqué pour les autres pays qui demandent la restitution de leurs biens culturels et cultuels.»

Une loi devrait être prochainement soumise à l’Assemblée nationale française pour permettre de simplifier le processus de restitution. Car pour l’heure, c’est une dérogation spéciale à la loi française d’imprescriptibilité et d’inaliénabilité du patrimoine national qui a rendu possible l’opération. «Nous nous attendons encore à des oppositions farouches de la part des musées et des collectionneurs privés, mais je pense qu’on ne peut plus revenir en arrière, même si les défis à relever demeurent nombreux», estime, confiant, ce haut fonctionnaire béninois qui occupa diverses hautes fonctions à l’Unesco.

Un musée historique délabré

En octobre dernier, le Bénin s’est doté d’une loi relative à la protection du patrimoine culturel, qui statue y compris sur la nécessaire formation du personnel chargé de la gestion des biens culturels, et prévoit des sanctions pénales liées à leur transfert illicite. Un véritable défi car, au Bénin comme ailleurs sur le continent, les musées ont connu des «disparitions» d’objets qu’on retrouve sur des marchés parallèles d’art africain. «Quitter le territoire avec des objets anciens sans autorisations ne sera désormais plus possible», estime l’historien Dieudonné Gnammankou. C’est également l’avis du directeur de l’Office du tourisme d’Abomey, Gabin Djimassé, qui estime qu’aujourd’hui «il est difficile de faire sortir des œuvres des musées, car elles sont enregistrées». Ce qui explique, selon lui, que des «prédateurs» de masques et statues s’approvisionnent désormais dans les villages.

Reste que pour l’heure l’absence de soutien financier de la part de l’État aux musées publics et privés et, partant, le manque criant d’entretien et de personnel qualifié se font durement sentir. L’état de délabrement avancé de l’actuel Musée historique d’Abomey, pourtant présenté comme un des musées emblématiques du Bénin, désole les visiteurs. Et interroge. Les guides, qui racontent avec brio l’épopée des rois sanguinaires d’Abomey, livrant à tour de bras leurs prisonniers de guerre aux marchands d’esclaves brésiliens ou portugais, font de leur mieux pour pallier le manque d’équipement. Et d’éclairage, les obligeant à recourir à la lampe torche de leur téléphone pour donner à voir des œuvres mal entretenues, derrière des vitrines poussiéreuses, parfois posées à même le sol. Notre guide, qui sort de deux ans de «galère» sans aucun visiteur pour cause de Covid-19, explique que la plupart des objets ont déjà été transférés, avant les travaux de rénovation, dans des réserves, qui semblent être en guère meilleur état que le musée lui-même.

Car sur le site des palais royaux d’Abomey, inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985 mais laissé à l’abandon, de grands bouleversements sont annoncés. La France a provisionné un montant de 35 millions d’euros, via l’Agence française de développement (AFD), pour réhabiliter non seulement quatre des palais royaux, mais aussi financer la construction, aux normes internationales, du Musée de l’épopée des Amazones et des rois du Danxomé, qui accueillera les œuvres restituées. Mais le premier coup de pioche n’a toujours pas été donné. La Cour des Amazones (du nom des femmes guerrières qui luttèrent contre les troupes coloniales françaises) où le musée doit être construit est encore un terrain vague. «Cela fait quatre ans que nous sommes en pourparlers avec l’Unesco, qui exige des garanties pour que le nouveau musée soit conforme au site et ne le défigure pas», explique Gabin Djimassé. «Mais nous y sommes presque», se réjouit-il.

Des projets touristiques pharaoniques

D’ici à 2026, ce sont quatre musées aux normes internationales qui devraient sortir de terre. Le Bénin prévoit d’investir 1 milliard d’euros, dont la moitié provenant de fonds privés, pour promouvoir un tourisme mémoriel et culturel. La ville d’Ouidah, au bord de l’Atlantique, qui fut une sorte de hub de la traite négrière, va accueillir un Club Med dans ses environs, ainsi qu’un complexe hôtelier gigantesque, construit par les Chinois, avec jardins du souvenir, réplique d’un bateau négrier, espaces détente et loisirs. Les travaux de rénovation de la Maison du gouverneur, qui abritera les œuvres restituées le temps que le Musée d’Abomey soit achevé, touchent à leur fin. C’est tout le site de l’ancien fort portugais qui est en travaux, pour y accueillir le futur Musée international de la mémoire et de l’esclavage.

Mais comment garantir que ces lieux seront mieux entretenus que la Porte du Non-Retour, lieu mémoriel symbolisant le départ des esclaves pour les Amériques, qui tombe aujourd’hui en ruine? «Alors que la situation économique de la plupart de mes compatriotes est très difficile, nos autorités lancent des projets pharaoniques que nous aurons probablement de la peine à entretenir», estime un journaliste béninois, qui préfère conserver l’anonymat. Il redoute par ailleurs que le choix du gouvernement de miser davantage sur le tourisme international que local ne soit qu’une chimère. «L’histoire récente montre qu’à la moindre pandémie ou attaque djihadiste, les touristes fuient comme un essaim de criquets pèlerins pour aller se poser sous d’autres cieux», ajoute-t-il en souriant.

Le petit togolais en balade au calme. Mes petits écrits me semblent si dérisoires pour honorer autant de beauté et de Gloire. Ma modeste plume puise dans l’encrier de mon cœur et transcrit pour vous toute ma reconnaissance . Je ne fais que parler de tout et de rien.

By Aristo